Stanley Pranin a recueilli de nombreuses interviews des élèves de Morihei Ueshiba, rassemblées dans un livre (en français ) intitulé » LES MAÎTRES DE L’AÏKIDO élèves de maître UESHIBA période d’avant guerre « .
Voici deux extraits de la biographie de Maitre Minoru Mochizuki parus dans le magazine Self et Dragon Spécial Aïkido n°2 de juillet 2020.
Minoru Mochizuki fut une figure importante des arts martiaux du vingtième siècle. Disciple des plus grands maîtres de son époque, il étudia le Judo auprès de Jigoro Kano et de Kyuzo Mifune et l’Aïkido sous la direction de Morihei Ueshiba. Elève interne au Kobukan dojo dès son ouverture, au début des années trente, Minoru Mochizuki fut l’un des premiers disciples du fondateur. Précurseur de l’Aïkido en Europe, et plus particulièrement en France, il contribua au développement des Budos Japonais sur le vieux continent.
Inauguration du premier Dojo Yoseikan
Mochizuki s’entraîne dur. Il pratique auprès d’Ueshiba sensei et l’accompagne dans les académies militaires. Il continue de rendre compte, une fois par mois, à maître Kano de ses progrès et de ses découvertes, tout en poursuivant sa formation de Judo au Kodokan et de Kendo chez maître Takano.
Surmené par les entrainements trop intensifs et les compétitions, Minoru tombe sérieusement malade en 1931. Il arrête toute pratique pendant un mois et passe son temps à dormir. Inquiet à son sujet, Kano sensei lui propose de le faire hospitaliser et de prendre les frais à sa charge. Minoru le remercie pour sa grande bonté mais refuse la proposition, ne souhaitant pas être à la charge de son maître.
Son frère le rapatrie à Shizuoka où il est admis à l’hôpital municipal pour soigner une pleurésie et une tuberculose pulmonaire. Après trois mois d’hospitalisation dans sa ville natale, l’état de Minoru s’améliore.
Dans le but de le retenir pour préserver sa santé, son frère aîné, Shinpachi, dentiste de métier, décide de financer la construction d’un dojo dans le centre de Shizuoka.
Minoru quitte l’hôpital en novembre 1931 et prend possession du dojo construit par ses frères et ses amis. Parmi ces derniers, un professeur de philosophie, nomme le dojo : Yoseikan, littéralement « maison de l’enseignement de la droiture ». Mochizuki adopte immédiatement ce nom et bien qu’étant encore convalescent, recommence à donner des cours à des jeunes gens de la région.
La cérémonie d’ouverture du nouveau dojo, se déroule en présence d’Ueshiba Senseï, de l’amiral Takeshita, du général Miura, d’Harunosuke Enomoto Senseï, de Yasuhiro Konishi Senseï et d’autres honorables dignitaires. L’amiral Takeshita devient le premier président du Yoseikan.
Dans son dojo, Mochizuki sensei enseigne ce qu’il nomme le Yoseikan Aïki Jujutsu, par respect pour maître Ueshiba et en référence à son art. Il enseigne également, en parallèle, à la police nationale et militaire.
Photo : Hiroo Mochizuki Center
Retour au Japon et retrouvailles avec maitre Ueshiba
Après huit années passées entre la Mongolie et la Chine, Minoru retrouve sa famille à Shizuoka en 1946. Le constat est terrible, la ville est détruite aux deux tiers et les morts se comptent par milliers.
L’ancien dojo Yoseikan a brulé et l’interdiction de pratiquer et d’enseigner les arts martiaux par les forces d’occupations américaines mettent un sérieux coup d’arrêt au professionnalisme dans les arts martiaux.
Minoru se rend au dojo d’Iwama pour saluer Ueshiba sensei. Heureux de le savoir de retour, ce dernier l’accueille chaleureusement. Affecté par les ravages de la guerre, le maître ne souhaite plus enseigner. Si Minoru réussit à le convaincre de continuer l’enseignement, Maître Ueshiba décide de s’éloigner de l’aspect martial de l’Aïki-Budo.
Dans un Japon vaincu, le quotidien s’avère difficile. Soutenu par ses proches Minoru reprend son activité médicale de thérapeute chiropracteur et se constitue rapidement une clientèle. Ces revenus lui permettent d’acheter un terrain à Shizuoka. Minoru y fait reconstruire un nouveau dojo en 1949, avec une maison indépendante pour établir son cabinet et installer sa famille, qui vient d’accueillir un nouvel enfant, un petit garçon prénommée Kanji.
Promu au grade de sixième dan Kodokan, Mochizuki Sensei enseigne à nouveau le Judo, les Kobudo et l’art de maitre Ueshiba qu’il nomme désormais Aïkido Jujutsu.
Les deux hommes restent en bons termes et au fil des années, Ueshiba sensei continue de lui rendre visite régulièrement à Shizuoka. Le maître vient y diriger deux ou trois stages d’une semaine chaque année, la plupart du temps accompagné de Morihiro Saito ou de Seigo Yamaguchi.
La présence d’O Sensei à l’inauguration du 1er Dojo de Minoru Mochizuki est l’expression du lien qui unissait le maitre et son disciple. Le deuxième article met en lumière la décision prise par O Sensei dans les circonstances particulières d’après guerre – celle de ne plus privilégier l’aspect martial de son art.